Episode IV : les déclarations de la bonne




Quelques instants après, l’inspecteur rejoignit son collègue. Il trouva celui –ci entrain de feuilleter un vieux bouquin. Aussitôt, il l’interpela :
_ « Toi, tu ne perds pas ton temps !
Et d’ajouter :
_ Espérons que tu trouveras dans ce livre le nom de l’assassin de madame Sedrati.
L’inspecteur Halabi releva sa tête :
_ Pas de sarcasme, s’il te plait ! Ce livre est très intéressant et je vais même l’emprunter pour quelques jours .
_ Ah, bon ! s’exclama Rachid
_ Tu vois, reprit le bouquineur, je viens de lire quatre pages de cette histoire que je suis absorbé par ses événements. Chose surprenante, elle s’intitule : la femme mystérieuse.
L’arrivée de la servante mit fin à cette discussion .Cette dernière entra dans le salon un plateau à la main qu’elle déposa sur la table en face de l’inspecteur Halabi.
L’inspecteur Slaoui sortit de sa poche une torche électrique :
_ « Je vais jeter un coup d’œil dans le jardin et juste derrière le balcon pour relever des traces.
_ Vas-y, mon vieux ; pendant ce temps je vais savourer les deux sandwichs.
Sur ce, il en mordit un grand morceau sous l’œil inquisiteur de la bonne.
_ Puis-je me retirer, balbutia-t-elle
_ Non, restez encore un moment .Je voudrais vous poser quelque questions.
Mais, asseyez-vous donc !
L’inspecteur entama son second sandwich en le coupant en deux parties ; puis, il en tendit l’un à la servante :
_ Vous en voulez un morceau ?
_ Non, merci .
_ Excusez-moi, mais depuis midi, je n’ai rien mangé .
Bon, ce ne sont pas vos oignons !
Mais, dites-moi, ça sent l’ail, non ?
Celle-ci approuva par un hochement de tête.
Bientôt, les assiettes ne contenaient pas une seule miette ; quant aux verres, pas de traces de goutte !
_ Voilà un nettoyage sec et efficace, conclut-il.
Aussitôt, Halabi ouvrit son calepin et dit d’un air sérieux :
_ S’il vous plait, nom, prénom et âge ?
_ Hayat Benhoud, vingt six ans.
_ Depuis quand êtes vous au service de la famille Sedrati ?
_ Bientôt six ans.
Tout en notant ces différentes informations, l’inspecteur s’approcha de la servante :
_ Donc, vous avez assisté à la naissance de la petite Nisrine.
_ Oui. Quand on m’a engagé, madame était enceinte en son sixième mois.
_ Bien entendu, vous vous occupiez du ménage.
_ Non, pas du tout ! Rectifia-t-elle.
_ Ah, bon !
_ A vrai dire, j’accompagnais madame lors de ses déplacements, soit pour faire des courses ou aller à la clinique.
Après un bref silence, l’inspecteur reprit :
_ Est-ce que vous connaissez Nihad Sedrati ?
_ Non, mais monsieur et madame l’évoquent à tout moment.
_ Comment cela ?
_ Des fois monsieur Sedrati fait des reproches à sa femme et lui dit : c’est par ta faute que notre fille est morte
_ Que répond Siham ?…pardon, madame Sedrati ?
_ Elle pleure et monte en courant dans sa chambre
_ Et Nisrine, est ce qu’elle est au courant qu’elle avait une sœur ?
_ Non, je ne pense pas ; d’ailleurs, ils évitent de parler de cela devant leur fille.
_ Bon, mademoiselle Hayat, racontez-moi ce que vous avez fait jusqu’à la découverte du corps de votre employeuse !
_ J’ai passé tout l’après midi en compagnie de Nisrine .Vers six heures, monsieur est rentré et il m’a demandé de lui préparer sa tasse de thé habituelle. Pendant que j’étais à la cuisine, le téléphone a sonné .J’ai voulu répondre, mais monsieur a décroché l’appareil le premier.
_ De qui venait l’appel ?
_ De madame Sedrati.
_ Comment le savez-vous ?
_ Il lui a dit : prends ton temps ma chérie ; je ne vais sortir nulle part.
Puis, il a raccroché.
_ Alors ? Encouragea l’inspecteur son interlocutrice, qu’est-ce qui s’est passé après ?
_ Madame est rentrée tenant à la main un grand paquet .
_ Quelle heure était-il ?
_ Huit heures moins le quart.
_ Alors !
_ Alors madame a dit à monsieur qu’ils sont invités au mariage de la fille de son oncle.
_ Quelle a été la réaction de monsieur ?
_ Monsieur était content, mais…
_ …il lui a reproché de ne lui avoir pas donné le temps pour acheter un cadeau à la mariée.
_ C’est cela, approuva la bonne.
_ Continuez !
Hayat lui fit savoir qu’elle est allée s’occuper de Nisrine : lui donner à manger et la faire dormir.
Un moment, monsieur Sedrati lui demanda de monter voir madame.
Quand elle a ouvert la porte de la chambre, elle a trouvé madame étendue sur le sol .Alors, elle ne pourrait rien dire de plus car elle venait de perdre connaissance.
_ Dites-moi Hayat, vous êtes entrée dans la chambre, n’est-ce pas ?
_ Euh, oui, articula-t-elle un peu gênée.
_ C’est étrange tout de même .Monsieur Sedrati affirme vous avoir trouvé sur le seuil de la porte.
_ Ce qui prouve, lança l’inspecteur Rachid en faisant son entrée au salon, que Mademoiselle ment comme elle respire.
_ Comment osez-vous, gronda-t-elle.
_ D’accord, amadoua l’inspecteur Halabi l’enragée, expliquez-vous !
_ Je vous jure que je suis rentrée dans la chambre ; puis, soudain, je ne me souviens de plus rien.
_ Avez-vous reçu un coup sur la tête ?
Celle-ci palpa son corps et s’exclama :
_ J’ai une bosse sur le crâne que je n’avais pas remarqué auparavant.
_ Donc, conclut l’inspecteur Slaoui, le bonhomme qui se cachait derrière la porte lui a assené un seul coup ; puis, il l’a transportée au seuil de la porte.
J’avoue que c’est un comportement assez étrange.
_ Bon, intervint l’inspecteur, ce sera tout pour le moment. Demain, on vous attendra au commissariat pour faire votre déclaration écrite et la signer.
Bonne nuit Hayat !
Allez, Rachid, nous aussi, on a intérêt à quitter les lieux.
_ Ok, approuva Rachid ; mais n’oublie pas de prendre ton livre !
_ Merci, mon vieux. »